Antoine Duhamel

Antoine Duhamel faisait partie du quintet des compositeurs de la nouvelle vague avec Georges Delerue, Michel Legrand, Maurice Jarre, Pierre Jansen. Il est mort le 11 Septembre 2014 dans sa maison familiale de Valmondois dans le Val d’Oise.

Fils de l’écrivain Georges Duhamel et de l’actrice Blanche Albane, adulée notamment par Gide et Cocteau, Antoine Duhamel est, aujourd’hui selon Stéphane Lerouge: « le seul compositeur du cinéma français à pouvoir aligner soixante longs métrages et neuf opéras. » On peut y ajouter 28 œuvres concertantes et symphoniques, 6 pièces d’inspiration religieuse et deux opéras plus récents.

C’est la musique de Méditerranée de Jean-Daniel Pollet qui va le faire connaître de la nouvelle vague. De là viendront les collaborations avec Godard et Truffaut.

Parmi ses partitions les plus célèbres on peut citer:

antoine duhamel

Ours d’Argent au Festival de Berlin pour la musique de « Laissez-passer » de Bertrand Tavernier – 2002

Les jeunes années

De formation classique de haut niveau auprès d’Olivier Messiaen et dodécaphonique avec René Leibovitz, il sera le condisciple de Pierre Boulez, Serge Nigg, Yvonne Loriod, Pierre Henry au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. A la maison il est élevé dans un climat artistique entre un père écrivain et une mère actrice. La musique est une tradition familiale. Son père, musicien amateur a créé un orchestre amateur constitué d’amis et des membres de la famille.

Comme il y a, en médecine, des généralistes et des spécialistes, Antoine Duhamel se disait un généraliste de la musique par son expérience très diversifiée dans le cinéma mais aussi le concert, l’opéra, le ballet ou la scène.

Le rapport au réalisateur

Il a souvent évoqué la nécessité de savoir dire non: « Je ne compose pas de musique de film par fonction, mais par conviction. Si l’on veut s’exprimer avec sincérité, il faut être touché par le sujet, sentir la confiance du metteur en scène. Je ne peux pas écrire sur des images qui véhiculent des idées trop éloignées des miennes. Ça m’a amené à refuser de très bons films, « La 317ème Section » de Pierre Schoendorffer, par exemple. J’y sentais confusément une idéologie de droite, un coté militariste qui me déplaisaient[…] Il m’est aussi arrivé de travailler sur deux ou trois films qui m’intéressaient moyennement: la qualité de ma musique en a cruellement pâti. »

Décrit par Patrice Leconte comme « un grand oiseau agité, toujours en mouvement, même quand il est assis » et par Stéphane Lerouge comme « mi-Don Quichotte, mi-professeur Tournesol » Antoine Duhamel était aussi un homme charmant, chaleureux dans ses encouragements et attachant comme lors de cette journée, à lui consacrée, à la Cinémathèque où il a longuement évoqué sa carrière et ses rapports avec les réalisateurs: « …Il faut se battre pour convaincre. Quand j’ai une idée sur la musique d’un film, je vais l’affirmer au maximum. Au risque d’être en contradiction avec le metteur en scène qui, lui, attend souvent une simple concrétisation de ce qu’il a en tête. Il faut alors me rapprocher du cinéaste, mais jusqu’à un certain point. Ça passe ou ça casse… Sans généraliser, le face-à-face avec le metteur en scène est généralement délicat. À chaque film il faut réapprendre à dialoguer. »

Ou encore:« Ceux qui ont une idée extrêmement précise de la musique posent également problème. Ils savent tellement bien ce qu’ils veulent qu’en définitive, ils se sentent frustrés de ne pas écrire eux-mêmes la partition de leur film. Avec eux, vous ne pouvez prendre aucune initiative, tout idée un peu personnelle, originale est systématiquement blackboulée. »

Adorateur de Pink Floyd et de Frank Zappa, il expérimente beaucoup, notamment dans Domicile conjugal qui fait exploser sa collaboration, longue de plusieurs films, avec Truffaut. « Pollet et Godard m’avaient entrainé très haut, Truffaut me faisait retomber. »

Olivier Assayas

Olivier Assayas refusera la musique, déjà intégralement enregistrée, pour son film Les Destinées sentimentales. Il s’en expliquera dans le livre de Stéphane LerougeConversations avec Antoine Duhamel. Le réalisateur s’y décrit comme incapable de parler musique avec un compositeur, de communiquer de façon précise ses intentions en termes musicaux et surtout détester « …la musique de film qui sonne musique de film, qui s’impose lourdement comme telle. […] De toute façon, à l’arrivée, la musique originale m’apparaît comme un discours artificiel plaqué sur les images… » 

Pourquoi, dès lors, faire appel à un compositeur? Assayas s’en explique par le désir du producteur, Bruno Pesery, pour une musique originale, à laquelle lui, n’est pas très favorable. C’est qu’un musicien de film, la plupart du temps, n’a pas seulement un réalisateur comme interlocuteur, mais aussi un producteur… et souvent, ça complique encore les choses…

Le mixage

Étape souvent difficile pour un compositeur de film qu’est le mixage! Certains la comparent à la visite chez le dentiste: douloureuse mais nécessaire.

Antoine Duhamel: « Vous aimez les sujets qui fâchent! C’est une étape dont je suis souvent sorti miné. Je dis parfois qu’on souhaiterait y être accompagné d’un huissier! Peut-être faut-il expliquer que le mixage est ce moment où l’on mélange tous les éléments sonores du film: les paroles(son direct, doublage, commentaire), les sons et bruitages du tournage, ceux qu’on a refaits, les ambiances. Et la musique. Comme celle-ci arrive en bout de course, on la mixe généralement trop vite, en la subordonnant au moindre bruit de petite cuillère ou d’aspirateur… »

 Extraits

« Pierrot Le Fou » de Jean-Luc Godard – Le thème de Ferdinand

« Belphegor » réalisation Claude Barma

« Week-End » de Jean-Luc Godard – Lamento

« Vous aimez la musique Antoine? » réalisation Jean-Pierre Sougy, documentaire extrait

« Pierrot le Fou » de Jean-Luc Godard – Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours chanté par Anna Karina

« Ridicule » de Patrice Leconte

Antoine Duhamel parle de Godard et Truffaut

Livre

« Conversation avec Antoine Duhamel » Stéphane Lerouge ed. Textuel – SACEM

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